« Le lézard noir » de EDOGAWA Ranpo

« Le lézard noir » est un roman policier des plus vifs que l’on puisse lire. La première chose qui frappe ici est la vitesse d’enchaînement des actions, à chaque page son nouveau renversement de situations, à chaque chapitre un nouveau personnage apparaît.

L’histoire est celle d’un enlèvement, l’enlèvement de la petite fille de IWASE Shôei (un richissime homme d’affaires japonais) par MIDORIKAWA (celle qui se fait appelé le lézard noir). Son but est assez simple, en échange de la petite Sanae, elle désire recevoir le bijou le plus prestigieux et le plus convoité au monde : la fameuse étoile égyptienne. IWASE comprend vite que s’il veut récupérer sa fille saine et sauve, il lui faut le plus grand détective japonais du moment en la personne du célèbre AKECHI Kogorô. Pour AKECHI, aucun problème à l’horizon, le lézard noir vise vraiment trop haut cette fois-ci, et pour lui, il ne fait aucun doute que ce sera son ultime méfait. Mais MIDORIKAWA est bel et bien décidée à obtenir ce fameux bijou qui manque à sa collection et son plan semble plus que parfait.

Ce roman policier a été publié pour la première fois au Japon en 1929, et il est clair qu’il est à 1000 lieues des romans policiers actuels. Ici, tout est actions et rebondissements, il n’y a aucune place pour la psychologie des personnages. On ne sent jamais la peur des personnages, ils sont tous totalement inodores et insipides. EDOGAWA n’a qu’un seul but : raconter une histoire policière avec ses faux-semblants, ses revirements de situations, ses camouflages et ses travestissements incongrus. EDOGAWA a le génie pur de nous envoyer là où il le désire sans qu’on se doute de quoi que ce soit à une vitesse vertigineuse.

La fin du livre vire dans l’horreur mais là également l’écriture est d’une autre époque, l’auteur ne fait qu’effleurer l’abominable en nous laissant imaginer ce qui se cache réellement derrière la perversité de cette femme lézard qui est prête à tout pour assouvir sa passion de la collection. En 1929, ce livre a sans doute horrifié plus d’un lecteur mais le lecteur contemporain verra juste dans ce livre un bon roman très agréable à lire et aux idées géniales. EDOGAWA Ranpo ne se prend jamais au sérieux, ce livre est un simple divertissement, et c’est ce qui transparaît également dans le film qui en a été tiré, film réalisé par FUKASAKU Kinji avec dans l’un des rôles un certain MISHIMA Yukio.

« Le Lézard noir » sur Amazon.fr

« La bête aveugle » de EDOGAWA Ranpo

Lors d’une exposition de peinture à Tokyo, la jeune MIZUKI Ranko, la superbe modèle qui fut à l’origine de la sculpture maîtresse que tout le monde vient admirer, se sent soudain très mal à l’aise lorsqu’elle aperçoit un aveugle hideux caresser l’œuvre. Pour elle, c’est comme si cet ignoble personnage la violait tranquillement devant tout le monde et sans que personne ne s’en aperçoive. Elle tente donc d’oublier cet incident le plus rapidement possible, mais l’aveugle semble avoir jeter son dévolu sur la jeune chanteuse. Et ce n’est ni sa laideur, ni son handicap qui l’empêcheront d’arriver à ses fins : un simple rendez-vous d’abord et ensuite… plus si affinité. La jeune femme, elle, se sent étrangement attirée par cette situation tellement improbable et accepte un rendez-vous même si une pointe de crainte se faufile dans son esprit.

Mais après ce premier rendez-vous, MIZUKI Ranko ne réapparaîtra plus, et c’est à partir de ce moment que débutera une série de meurtres tout aussi horribles qu’inexpliqués dans un Tokyo apeuré et impuissant.

« La bête aveugle » a été publié pour la première fois au Japon en 1931, et il est probable qu’il dut faire scandale à cette époque. La sexualité morbide et latente de ce récit, ainsi que ses scènes de mutilations et de démembrements ont sans doute choqué le public japonais qui ne devait pas être habitué à ça. Mais depuis, beaucoup d’eau a coulé, et les descriptions d’EDOGAWA, sans être ridicules, paraissent un peu niaises.
Mais là n’est pas tellement le problème de ce livre, le problème se situe plutôt dans la crédibilité de cette histoire saugrenue. A aucun moment de l’histoire, le lecteur ne peut croire à cette histoire rocambolesque et impossible. Que les victimes se laissent si facilement embarquer dans de telles histoires n’est pas du tout crédible.
Malgré cela, on espère que la fin nous apporte un petit quelque chose qui puisse justifier cette lecture chaotique ; et bien même pas, la fin est tellement prévisible qu’on se dit qu’EDOGAWA a réellement raté son livre du début jusqu’à la fin.
A moins que ce ne soit un livre comme tant d’autres, qui a mal vieilli. Mais alors, pourquoi une telle réédition ?
La bête aveugle sur Amazon.fr