« Hiroshima, fleurs d’été » de HARA Tamiki

HARA Tamiki nous décrit à sa manière l’ignominie qui s’est déroulée le 6 août 1945 à Hiroshima. A sa manière, car il ne condamne pas l’acte en lui-même, ni les forces américaines de l’époque. Il préfère même les éliminer totalement de son récit. HARA veut simplement nous expliquer froidement ce que fut la plus abominable expérience scientifique du milieu du 20ème siècle. Il ne se concentre que sur le vécu des Japonais avant, pendant et après le largage de la bombe.

Dans la première nouvelle, HARA nous raconte la vie quotidienne des Japonais pendant la seconde guerre mondiale ; comment les habitants d’Hiroshima, sans savoir ce qui les attend, se débrouillent au quotidien, vaquent à leurs occupations respectives et règlent leur petits problèmes familiaux et matériels.

Dans la seconde, c’est la lumière et le souffle. En quelques secondes les hiroshimaiens se voient projetés dans un autre univers. Pendant quelques instants, l’espace temporel se dérègle lentement; même s’ils sont ensembles, les femmes et les hommes se retrouvent seuls entourés d’une lumière aveuglante, les odeurs ont disparues, plus rien n’est réel. Il n’y a pas vraiment de souffrance, juste un détour vers le non-vivant, une incompréhension absolue, l’étonnement total, l’arrêt du temps, l’impossibilité de bouger.

Dans la troisième partie de ce recueil, HARA Tamiki tente de nous décrire l’horreur qui suivit l’incompréhension. Et c’est là que l’on découvre tout le génie de ce grand poète japonais. Aucun jugement, juste une description froide et subtile qui nous rend parfaitement ce qu’a du être l’horreur d’Hiroshima. Même s’il nous décrit les plaies purulentes, les membres séparés du corps et autres abominations, HARA Tamiki reste un poète et chaque mot est pesé et précieux. Loin de lui l’idée de nous rendre malade ou de nous apitoyer sur le sort de ces pauvres Japonais, il nous décrit avec le plus grand recul la tragédie. Et c’est en fait ce recul, cette froideur d’écriture qui rend ce livre unique et terrible. Il nous met dans la position de tous ces gens égarés, qui ne peuvent plus faire qu’une chose, observer, simplement observer.

Ce livre est le début d’un genre littéraire typiquement japonais : le Genbaku Bungaku ( la littérature de la bombe atomique). Il fut censuré dès sa sortie et ne put être livré au public que dans les années 50. Depuis, ce genre continue à exister même s’il est moins couru. Mais on se rend compte que même chez les jeunes écrivains japonais, les fantômes d’Hiroshima et de Nagasaki restent toujours très présents dans l’âme collective des Japonais.

En 1951, HARA Tamiki se suicide en se jetant sous un train, ce qui fait de lui une victime collatérale à ajouter à l’énorme liste des morts de la bombe.

« Hiroshima : Fleurs d’été » sur Amazon.fr