C’est à l’usine de Komaki de la société Nishiki Heavy Industries, par une matinée douce et ensoleillée, que les deux ingénieurs Yuhara et Yamashita se préparent à assister au premier décollage d’un tout nouvel hélicoptère expérimental comptant parmi les plus longs du monde. À cette occasion, les familles des ingénieurs sont invitées, et c’est ainsi que deux jeunes garçons insouciants et téméraires se retrouvent face à cet engin monstrueux dans un hangar qu’ils n’auraient jamais dû pénétrer.
Keita et Takahiko n’en croient pas leurs yeux, un hélicoptère grandeur nature rien que pour eux. Après quelques hésitations, Keita monte dans l’appareil et s’installe aux commandes de l’engin… le rêve ! Takahiko, bien sûr, en profite pour enlever le marchepied ayant permis à Keita de devenir temporairement le pilote de cet immense navire. Et, c’est à ce moment-là, que la porte du hangar s’ouvre, que les trois turbomoteurs se mettent en route, et que l’hélicoptère se met à rouler pour enfin s’envoler dans les airs pour une destination inconnue.
C’est la stupéfaction et la panique chez les ingénieurs de Nishiki Heavy Industries. Qui a pu voler le CH-5XJ, et surtout comment ? Tout le monde est sur le pied de guerre, l’armée est prévenue et sollicitée, il faut au plus vite retrouver l’hélicoptère et surtout le récupérer dans un état impeccable, il en va de la survie de la société Nishiki !
Peu de temps après, le couperet tombe et tout le monde est abasourdi : on a retrouvé l’hélicoptère. Il se trouve à quelques centaines de mètres au-dessus de la centrale nucléaire de Shinyo située à Haiki, à l’extrémité nord de la presqu’île de Tsuruga. Les dirigeants n’en reviennent pas, ne comprennent pas, jusqu’à ce qu’à 8 h 38, un télécopieur du bâtiment administratif n° 1 de la centrale Shinyo commence à recevoir un message signé par un certain « L’Abeille du ciel ». Le message indique aux autorités compétentes que l’hélicoptère est sous son contrôle grâce à un système de téléguidage ultra-perfectionné et que s’ils ne suivent pas leurs exigences à la lettre, l’hélicoptère s’écrasera de lui-même sur la centrale, ayant utilisé l’entièreté de son carburant. Ses exigences sont de mettre immédiatement toutes les centrales nucléaires du pays, en activité ou au repos, hors d’état de fonctionner.
« La prophétie de l’abeille » est ce que l’on pourrait appeler un roman à suspense latent. Tout au long du récit, la tension ne cesse de monter, tous les yeux sont rivés sur cet hélicoptère qui risque à tout moment de s’écraser sur la centrale nucléaire. C’est une sorte de compte à rebours aléatoire dans lequel des hauts responsables, tout comme les habitants proches de la centrale, se voient engloutis sans trop savoir quelle décision serait la meilleure pour eux.
Malgré un début quelque peu naïf (prendre pour otage un petit garçon est plutôt maladroit et racoleur), le récit est assez bien ficelé et cette idée d’une échéance dépendant de la combustion du carburant ajoute un petit plus à ce roman à suspense qui se distingue ainsi des autres du genre.
Pour une raison historique, les romans japonais ayant pour socle ou pour environnement l’énergie nucléaire ont tout de suite une autre dimension. Le Japon compte actuellement 54 réacteurs nucléaires (certains opérationnels, d’autres à l’arrêt), ce qui est énorme et difficilement compréhensible connaissant la relation historique qu’a le Japon avec le nucléaire. Dans « La prophétie de l’abeille », Higashino est assez clair sur sa position envers le nucléaire et la politique énergétique du gouvernement. Il semble être plus du côté des activistes antinucléaires que des responsables. Nous en avons pour preuve qu’il rend ces activistes humains (ceux-ci ne s’opposent en aucune façon au sauvetage de l’enfant prisonnier de l’hélicoptère), alors qu’il n’hésite pas à s’attaquer aux dirigeants du pays qu’il décrit comme peu responsables, trop hésitants et cachotiers.
« La prophétie de l’abeille » est donc un roman plutôt captivant et intelligent. HIGASHINO s’est fortement documenté sur le fonctionnement des centrales nucléaires et sur les différents plans mis en place en cas de catastrophes naturelles ou autres. Il est également intéressant de voir ce que sont prêts à faire les employés et responsables de ces centrales en cas d’accidents. On y voit la difficulté de réagir alors même que l’incident à venir est prévu. Avec tous ces détails imbriqués, le roman prend une dimension très réaliste, ce qui permet au lecteur d’y entrer beaucoup plus profondément et donc de se laisser emporter dans une fiction qui reste étonnamment simple et fluide.
À noter que le livre a été publié au Japon en 1997 et n’est pas une réaction de l’auteur à la catastrophe de Fukushima du 11 mars 2011. Ce serait plutôt la décision d’Actes Sud de le publier en français après ces événements qui serait sujette à caution.
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