Kôsaku, jeune garçon de onze ans, vit avec sa grand-mère Onui dans le village de Yu-ga-Shima, sa mère ayant dû quitter la maison familiale quelques années auparavant pour s’installer à Toyohashi. Kôsaku est un garçon tout à fait normal, si ce n’est qu’il préfère bizarrement ses études aux jeux habituellement liés à son âge. Mais Kôsaku pense déjà à son avenir et il lui semble indispensable de pouvoir entrer dans une école qui lui permettra de devenir quelqu’un d’important et de quitter ce triste village esseulé.
La seule personne qui arrive un tant soit peu à le détourner de ses études est une petite fille nommée Akiko, d’un an sa cadette qui, persécutée par les enfants du village à cause de sa pâleur, le rend anormalement bizarre et le fait réagir comme s’il devenait quelqu’un d’autre. Ce sentiment étrange le trouble quelque peu, mais, philosophe, le petit garçon préfère retourner à ses études qu’il prend de plus en plus au sérieux depuis l’arrivée du nouveau maître du village qui l’a pris sous son aile.
Dans ce roman, INOUE Yasushi nous décrit la vie d’un petit village japonais éloigné de la civilisation sous le regard d’un petit garçon qui se sent prisonnier de son village, de sa population et de ses traditions séculaires. Il y a par exemple cette grand-mère avec qui il vit, qui en réalité n’est pas sa vraie grand-mère, mais une ancienne maîtresse de son arrière-grand-père qui demanda, en rendant son denier souffle, qu’elle élève l’enfant, afin de pouvoir garder sa place dans la famille. Cette situation étrange ne semble cependant pas déranger les parents de la vraie mère de Kôsaku qui habitent pourtant à proximité.
La modernité et l’archaïsme du Japon sont au centre de ce roman qu’écrivit INOUE Yasushi en 1960. Les progrès et l’ouverture au monde que connut le Japon ne furent jamais faciles pour ses habitants et surtout pour les villageois vivant dans des régions reculées du Japon et qui découvraient de temps à autre des choses incroyables venues de la ville.
Il y a par exemple ce passage particulièrement réussi où les villageois se divisent sur le fait d’accepter ou non de remplacer la bonne vieille charrette servant aux voyages vers tel ou tel village par un car qui lui, est certes plus rapide, mais semble pour certains beaucoup plus dangereux. Il y a dans ce passage toute la peur d’une société d’accepter un changement aussi radical qu’elle sait inévitable, mais qu’elle préfère mettre de côté et attendre encore un peu. C’est à la fin du 19e siècle et durant la reconstruction du Japon que les Japonais ont le plus eu difficile à s’accommoder des nouveautés venues de l’extérieur qui mettaient à mal des siècles de traditions et de coutumes.
Mais ces changements sociétaux ne sont que la toile de fond de cette histoire qui se concentre bien plus sur l’entrée dans l’âge adulte de ce petit garçon qui ne cesse de découvrir la vie et de rêver d’un futur plus proche de ce que le Japon est en train de devenir. Il possède ses propres craintes, sa timidité, ses déconvenues, ses fureurs, toutes ces petites choses qui font que le petit garçon est en train de devenir petit à petit un homme. Malheureusement, INOUE n’arrive pas à rendre le petit Kôsaku suffisamment attachant pour que ce roman soit une totale réussite. Certes, le lecteur découvre ces quelques notes de couleurs paysannes du Japon du début du 20e siècle avec intérêt et un certain bonheur, certes le petit Kôsaku est parfois attendrissant, mais la plupart du temps, il manque de consistance et semble se fondre dans le décor admirablement bien dessiné par l’auteur de romans bien plus intéressants comme « Le fusil de chasse » ou « Le maître de thé ».
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