« La prière d’Audubon » de ISAKA Kôtarô

Itô, jeune informaticien désabusé et récemment au chômage, ne trouve rien de mieux que de braquer une supérette afin de remettre les compteurs à zéro et de démarrer une nouvelle vie. Bien évidemment, il échoue lamentablement, se fait rapidement arrêté par la police et finit par s’évanouir.

À son réveil, il découvre qu’il n’est pas au poste de police, mais sur une île qu’il ne connaît absolument pas. Un homme, Hibino, lui explique qu’il se trouve à Ogishima, une île proche de Sendai et de la péninsule d’Oshika. Cette île vit depuis 150 ans en totale autarcie. C’est à cette époque que le Japon s’ouvre au reste du monde, mais les insulaires de l’époque décident de rester coupés du monde extérieur.Hibino lui propose de lui faire visiter l’endroit, ce qui marquera le début d’une aventure des plus étranges pour ces deux nouveaux amis.

Au premier abord, l’île semble paradisiaque à Itô, mais il se rend rapidement compte que l’isolement imposé à ses habitants n’a rien d’une sinécure. Il rencontre des personnages aussi étrange que Sakura, un poète amoureux des fleurs qui fait justice lui-même avec l’approbation tacite de tous les habitants de l’île, Sonoyama, un peintre qui, depuis la mort de sa femme, ne parle plus qu’en disant le contraire de ce qu’il pense, une fillette qui passe le plus clair de son temps allongée afin d’écouter la respiration de la terre et enfin Yûgo, un épouvantail doué de la parole et ayant le pouvoir de prédire l’avenir. Celui-ci est depuis plus d’un siècle sur l’île et est considéré comme un oracle et un sage.

Itô débarque donc contre son gré comme un étranger sur l’île et, même s’il s’adapte rapidement, sent qu’il n’a rien à y faire et la tentation de quitter l’endroit au plus vite commence à le tarauder.

L’idée d’une île isolée, inconnue de tous, avec ses habitants vivant en complète autarcie proche de la région de Sendai (métropole située au nord-est de Tokyo) est sans aucun doute une idée très intéressante et prometteuse. Mais ISAKA ne profite pas de cette idée géniale d’une île n’ayant eu aucun contact avec le reste du monde depuis 150 ans pour faire une comparaison entre la vie d’un peuple authentique et d’une société contemporaine surévoluée, ce qui aurait été assez facile à réaliser au Japon, pays très divisé du point de vue économique et social. Il se contente de baser son récit uniquement sur l’île et même s’il fait quelques brèves incursions dans le monde contemporain, celles-ci sont bien trop courtes et timides.

Outre cette occasion manquée, la narration est assez chaotique dans ce roman d’ISAKA. La linéarité du récit est constamment mise à mal, mais sans paraître voulue ou étudiée ; on passe d’un protagoniste à un autre sans raison apparente et le lecteur a vite fait de se perdre au milieu de tous ces personnages. ISAKA fait également un rapprochement chronologique entre ce qui se passe sur l’île et ce qui se passe dans la région de Sendai en mêlant l’histoire d’Itô, de son ex-petite amie et du policier Shiroyama qui lui en veut depuis les années de collège. Mais là encore existe un déséquilibre narratif qui rend le récit maladroit et peu crédible.

Enfin, on ne peut s’empêcher de penser à l’œuvre de MURAKAMI Haruki en lisant ce roman. Les références à la musique américaine et au jazz, la confrontation subjective entre le réel et l’irréel, l’onirisme, la simultanéité des faits, la prémonition. Tous ces éléments sont bien présents dans « La prière d’Audubon », mais la facilité d’écriture, la fluidité narrative, l’imagination fertile et la profondeur de MURAKAMI manquent cruellement à ce récit.

Néanmoins, reste l’idée originale et l’épouvantail Yûgo, personnage central du livre qui sauve ce roman par son stoïcisme attachant et sa perception du monde intemporelle.

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