« L’île de Tôkyô » de KIRINO Natsuo

Cela fait cinq ans que Kiyoko et son mari Takashi ont débarqué sur l’île de Tôkyô après avoir fait naufrage lors d’une tentative de tour du monde en voilier. Cette île se trouve perdue quelque part au large des Philippines dans le Pacifique Sud. Trois mois après que leur couple ait échoué sur l’île, vingt-trois jeunes gens à la dérive arrivent du Japon alors qu’ils travaillaient au dénombrement des chevaux sauvages de l’île de Yonaguni. Kiyoko étant la seule femme parmi tous ces hommes, elle est bien évidemment convoitée et admirée par la plupart de ces nouveaux habitants. D’un commun accord, ils nomment cette île inconnue et inhospitalière « L’île de Tôkyô », par pure nostalgie puisqu’ils savent pertinemment bien qu’il ne leur sera plus jamais possible de rejoindre leurs familles et leur ville natale.

Petit à petit, la vie s’organise, des maisons se construisent, une hiérarchie se crée et la vie devient de plus en plus routinière. Mais la routine ne dure que très peu de temps, la découverte du corps sans vie du mari de Kiyoko met en émois la population insulaire. Takashi est mort mystérieusement, un peu plus d’un an après leur arrivée sur l’île. Il s’est tué en s’écrasant sur les rochers du haut de la falaise du cap Sainara. Depuis, plus rien n’est pareil pour Kiyoko et les habitants de l’île. D’autant que de nouveaux arrivants, des Chinois débarqués sur l’île contre leur volonté, s’installent à un autre coin de l’île sans trop vouloir se mêler à leurs voisins japonais. Très vite, les habitants de Tôkyô éprouvent un choc devant la débrouillardise de leurs voisins et deviennent très envieux face aux récoltes accumulées par ces Chinois qui, contrairement à eux qui deviennent de plus en plus passifs, contemplatifs et névrosés, mettent tout en œuvre pour vivre le plus confortablement possible et surtout, comptent unanimement quitter cette île au plus vite afin de rejoindre leur pays d’origine.

Avec « L’île de Tôkyô », KIRINO Natsuo s’éloigne de plus en plus du roman mystère. Ici, si ce n’est la disparition étrange et inexpliquée du mari de Kiyoko, le roman s’apparente plus au roman social et écologique, voire même à une autocritique sociologique du peuple japonais. En présentant dans une sorte de huis clos les deux nations que sont les Japonais et les Chinois, KIRINO condamne clairement et unanimement son propre pays. Non seulement elle met sur un piédestal les Chinois qui sont du point de vue social un peuple bien plus soudé et unifié que les Japonais, et qui, du point de vue du travail et de la réactivité face à un événement impromptu et apparemment insolvable, sont bien au-dessus des Japonais devenus passéistes et fatalistes. Cette critique du système social et politique du Japon peut paraître violente et quelque peu exagérée, elle est en tout cas très caricaturale. On remarque que dans son roman, les Chinois réussissent une grande partie de leurs entreprises et de temps en temps échouent, mais tout cela se fait toujours dans le plus grand secret. Seul leur plus grand échec est clairement décrit par l’auteure : la tentative d’évasion des Chinois qui virera à un total fiasco. Mais une Japonaise était bien présente lors de cette escapade cruelle et débridée.

KIRINO Natsuo s’en prend également à ses compatriotes en ce qui concerne leur position étrange et quelque peu irresponsable envers le nucléaire. Pour ce, elle prend un ton ironique et burlesque, ce qui peut rappeler le cinéma japonais d’après-guerre. Tout y est exagéré, malsain et déraisonnable. Un des personnages principaux, Watanabé, décide de se construire une habitation avec des bidons en métal dépoli semblable à de l’aluminium et scellés de couvercles jaunes. Le reste des habitants se doutent que ces bidons doivent renfermer des produits toxiques et que l’île n’est autre qu’une décharge clandestine destinée à « cacher » les déchets nucléaires embarrassants, mais ils décident néanmoins de ne pas s’en occuper et de laisser Watanabé faire ce qu’il veut, même s’il est évident que c’est délirant et irresponsable. Impossible ici de développer la, ou plutôt, les liens qu’ont les Japonais avec l’énergie nucléaire ; tout ce que l’on peut dire ici est que ce Watanabé, ce personnage insolite devenu fou, incarne à lui seul le regard que porte KIRINO Natsuo sur la gestion de l’énergie nucléaire dans son pays. Depuis 1945, la conception du nucléaire au Japon n’a cessé de se complexifier et l’Occident est très loin de pouvoir porter un jugement quelconque sur cet état de choses.

  « L’île de Tôkyô » n’est donc pas un roman policier ou à suspense, les amateurs du genre ne s’y retrouveront pas. KIRINO Natsuo continue son petit bonhomme de chemin tout en conservant son talent, mais n’arrive toujours pas à créer une œuvre magistrale. Le roman est agréable et sa construction narrative très réussie. Les idées y sont excellentes et ce roman pourrait très bien être adapté pour le cinéma, ce qui arrive d’ailleurs très souvent aux œuvres de KIRINO. Les amateurs de littérature et de cinémas japonais ne seront pas dépaysés par ce roman, quant aux autres, ils trouveront toute cette histoire loufoque,  extravagante, folle. En quelque sorte très japonaise.

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« Intrusion » de KIRINO Natsuo

Après avoir lu le roman autobiographique et sulfureux du grand écrivain MIDORIKAWA Mikio « Innocent », l’écrivaine SUZUKI Tamaki décide de se lancer dans un projet d’envergure et potentiellement risqué, en écrivant à son tour la vie de cet étrange auteur décédé dix-sept ans auparavant. Mais pour mener à bien son entreprise, elle devra s’immiscer subrepticement dans la vie familiale de l’auteur avec tous les désagréments que cela comporte. Assez rapidement, Saitô et Nagakusuku, ses conseillers, se rendent compte qu’elle n’arrivera jamais à ses fins si elle n’est pas accompagnée psychologiquement dans ce voyage littéraire ambitieux et dangereux pour elle qui, de son côté, est en train de subir les conséquences néfastes de sa séparation d’avec son ancien amour et éditeur ABE Seiji.

Comprenant que le manuscrit de MIDORIKAWA ne lui sera pas suffisant puisque beaucoup trop subjectif, Tamaki devra se mettre à la recherche de personnes l’ayant connus et qui pourraient éventuellement l’éclairer sur cette étrange O. que l’écrivain décrit comme sa maîtresse. Mais cette énigmatique O. existe-t-elle vraiment ? Ne serait-ce pas plutôt une invention littéraire d’un écrivain utilisant cette métaphore afin de mettre en évidence le mal-être qui existait dans sa vie familiale ?

Pour en avoir le cœur net, Tamaki, se rendant compte que les gens qui ont côtoyé l’auteur de son vivant ne pourront lui être d’une quelconque utilité, décide de se rendre en Hokkaidōoù la famille MIDORIKAWA se retira afin de retrouver un certain équilibre impossible en restant vivre à Tokyo. Mais ce qui attend Tamaki dans cette région du nord du Japon est encore plus étrange que ce qu’elle pouvait imaginer. La fiction, le roman, la réalité, l’innocence perdue, l’objectivité, tout s’entremêle jusqu’à devenir quasi irréel. La fiction et la vérité semblent si proches à Tamaki, qu’elle pense sombrer dans une folie qui ne lui permettrait plus de continuer à écrire ce qu’elle pensait devenir l’œuvre de sa vie.

« Intrusion » est à mille lieues de ce que nous propose habituellement KIRINO Natsuo, si ce n’est peut-être dans son roman « Disparitions ». Ici, pas de meurtres, pas d’enquêteurs bien typés, pas de sang, pas de vengeances, mais une recherche de vérité bien plus introvertie menée par une écrivaine à la dérive. Tout comme dans « Disparitions », la recherche de l’être aimé est au centre du roman ; et cette recherche pousse inévitablement les individus à se rechercher eux-mêmes afin de comprendre et d’accepter une disparition dont ils ne sont absolument pas responsables.

De plus, ces romans moins « typés » de KIRINO Natsuo sont bien plus travaillés du point de vue de la description psychologique et de la profondeur des personnages que d’autres romans comme « Out » ou encore « Le vrai monde » dans lesquels les protagonistes ne sont là que pour donner forme à une narration ; narration, d’ailleurs, qui perd très souvent de sa valeur faute d’attachement de la part du lecteur.

Même si « Intrusion » paraît dans la collection « Policiers » chez Seuil, le livre est plus une réflexion sur l’interactivité qui existe entre la littérature et ce qu’elle décrit, ou comment se sauver et comprendre sa propre personnalité en créant une œuvre littéraire. Un livre plus déroutant que captivant, mais bien plus intéressant que le reste de sa production traduite en français.

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« Le vrai monde » de KIRINO Natsuo

Le vrai monde, c’est ce monde dans lequel vivent quotidiennement quatre lycéennes tokyoïtes. Chacune a ses petits tracas, sa propre personnalité, ses rêves de jeunes filles et ses craintes de l’avenir. Mais leur but principal est surtout de s’amuser, de se faire des ami(e)s et accessoirement de réussir leurs études afin d’accéder à la meilleure université.

Mais un jour d’août étouffant, l’une des quatre jeunes filles, Toshiko, entend un bruit de bris de verre provenant de la maison voisine. Quelques instants après, elle aperçoit le fils des voisins, que l’on surnomme au lycée « le lombric », sortir de chez lui sans se retourner. Le lendemain, Toshiko apprend que la voisine, la mère du lombric, a été assassinée, le crane éclaté à coups de batte de baseball.

Pour Toshiko et ses trois copines, il n’y a aucun doute, le lombric est le seul coupable possible. Mais pour elles, il n’est pas question de le livrer à la police ; elles ont enfin découvert une personnalité hors du commun et elles espèrent bien entrer en contact avec le jeune matricide afin de connaître et comprendre la raison de son acte.

« Le vrai monde » n’est pas un roman policier comme les autres. Certes, il y a un meurtrier, une victime, des témoins et des enquêteurs, tous les ingrédients sont bien présents, mais KIRINO Natsuo n’utilise pas ces ingrédients dans un schéma classique. Dès le début, on connaît le meurtrier, la raison de son acte et la raison pour laquelle la police piétine dès le début de l’enquête. KIRINO ne tente même pas de décrire la personnalité du meurtrier, d’ailleurs elle l’appelle le lombric, ne lui donne aucun patronyme, afin de le déshumaniser le plus possible. Ce qui intéresse KIRINO, c’est l’attrait qu’un tel meurtrier peut susciter chez quatre jeunes adolescentes typiquement japonaises. Ce n’est pas à proprement parler le syndrome de Stockholm, mais c’est cet attrait morbide que certaines personnes fragilisées ressentent pour un bourreau. Et c’est un excellent choix de la part de KIRINO d’avoir créé quatre personnages au lieu d’un seul. Cela lui permet d’exposer les différentes raisons pour lesquelles une personne peut être attirée par un meurtrier, ainsi que celles pour lesquelles un citoyen est capable de braver la justice et l’ordre juste à des fins d’amusement ou de curiosité.

La façon d’écrire ce récit, même si elle est loin d’être originale, est également assez réussie. Chaque chapitre est une version de l’histoire vue par les différents protagonistes. Procédé qui permet au lecteur d’avoir une vue globale de la personnalité du meurtrier, ainsi que les raisons pour lesquelles ces quatre jeunes filles se sentent irrésistiblement attirées par celui-ci. Ce procédé littéraire a été utilisé par le très grand écrivain britannique John Fowles (1926-2005)pour son roman « L’obsédé » (The collector) paru en 1963. Mais malheureusement, la comparaison s’arrête là, John Fowles avait réussi dans son roman à sonder les profondeurs de l’âme des deux protagonistes, alors que KIRINO Natsuo ne fait qu’effleurer la psychologie des personnages, pour ne pas dire qu’elle bâcle totalement l’aspect psychologique d’un roman qui aurait mérité plus d’acuité.

Autre remarque importante, les Éditions du Seuil persistent dans leur politique d’économie de traducteurs puisque pour la seconde fois, ils ont préféré traduire ce roman à partir de la version anglaise plutôt que de l’originale.

« Le vrai monde » reste cependant un roman agréable à lire, mais ne représente cependant pas la littérature policière typiquement japonaise telle que celle d’un HIGASHINO Keigo ou d’un MATSUMOTO Seichô.

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« Monstrueux » de KIRINO Natsuo

La compétition est très rude au Japon, et avant d’être confrontés à la dure loi du travail, les adolescents japonais doivent passer par la compétition effrénée du lycée et de l’université. La narratrice de « Monstrueux » parvient tout de même à rentrer au lycée K., l’un des plus célèbres de Tokyo. Les jeunes étudiants y sont acceptés soit pour leur argent, soit pour leur intelligence hors du commun. Dans le cas de notre héroïne, c’est son intelligence et son travail qui lui ouvriront les portes de ce lycée tant convoité. Elle est au comble de la joie, d’autant plus qu’il y a peu de chance que sa petite sœur Yuriko vienne l’y rejoindre, ses capacités mentales ne lui permettant certainement pas d’accéder aux hautes sphères des études japonaises. Mais le destin en décide autrement, et par un malheureux hasard (les Japonais ayant séjourné relativement longtemps à l’étranger obtienne un statut spécial et peuvent dès lors être admis dans de telles écoles prestigieuses) Yuriko se retrouve également acceptée au même lycée que son aînée.
Yuriko est tout le contraire de sa sœur, c’est une jeune et splendide écervelée japonaise qui a le pouvoir, grâce à sa beauté surnaturelle, d’attirer vers elle tous ceux qu’elle désire (hommes ou femmes) et de leur faire faire tout ce qu’elle désire sans qu’ils ne s’aperçoivent qu’ils sont sous le charme. Mais ce pouvoir, qui agace exagérément sa grande sœur, finira un jour ou l’autre par se retourner contre elle, à la grande joie personnelle de sa pire ennemie, sa sœur elle-même.
KIRINO nous fait faire alors un bond dans le temps. Vingt ans après ces années de lycée, Yuriko ainsi qu’une ancienne camarade de classe, SATO Kazue, sont retrouvées toutes les deux assassinées par une seule et même personne (un certain Zhang, un immigré chinois). En tout cas, c’est ce que pensent la police, la justice et la sœur, jusqu’à ce que cette dernière rencontre l’accusé lors de son procès. Pour elle, il est impossible que cet individu ait pu tuer ces deux personnes.
Ensuite, sous forme d’aveux et de lettres, KIRINO nous décrira dans la deuxième partie de son livre les vies tristes et pitoyables que ces trois personnages ont vécues, ainsi que le malheureux et terrible hasard qui les fit se rencontrer.
Dans « Monstrueux », KIRINO Natsuo nous parle des difficultés que rencontrent les Japonais dans leur vie estudiantine et professionnelle, de cette compétition sans fin qu’ils se livrent durant toute leur vie pour être les meilleurs, les plus rentables ou les plus respectés. Que ce soit au lycée ou en entreprise, tous les moyens sont bons pour sortir la tête de l’eau et se faire une place dorée dans la hiérarchie sociale.
Elle nous parle également, via l’histoire de Zhang, des raisons pour lesquelles les démunis de Chine sont prêts à tout pour traverser la mer du Japon et essayer de trouver une vie meilleure sur l’archipel nippone. Elle en profite pour nous décrire les conditions horribles que certains chinois doivent subir pour tenter d’accéder à ce qu’ils pensent être le bonheur.
L’autre thème du livre est beaucoup plus intime et féminin, c’est celui de la beauté, de ce qu’elle permet et de sa disparition lente mais certaine due au vieillissement. On retrouve alors des personnages qui furent totalement insouciants ou aveuglés par la recherche de la réussite tomber dans un désespoir sans issue qui les mèneront à se prostituer pour échapper à leur nouvelle solitude.
En ce qui concerne l’édition du livre, Seuil tombe dans un ridicule lui aussi monstrueux. Il faut savoir que la version française de ce roman de KIRINO n’est pas traduite du japonais, mais est en fait une traduction de la traduction anglaise. Décision qui ne peut être que financière, tout le monde sachant que plus on fait de traductions d’un même texte, plus on s’éloigne du sens de l’original et de sa beauté originelle. Impossible donc de critiquer le style de ce KIRINO, puisqu’il est complètement vidé de sa substance première, et ne peut être considéré comme œuvre littéraire à part entière. Et comme si ça ne suffisait pas, les coquilles atteignent également un nombre vertigineux, ce qui rend parfois le texte très lourd. Bref, Seuil se discrédite totalement par un mauvais goût financier des plus grotesques.

Triste sort pour ce livre qui nous parle du pouvoir éphémère de la beauté (qui est ici dénaturée par une politique éditoriale qui doit être rentable à tout prix) et des méfaits de l’argent qui , pour le coup, a du donner de mauvaises idées aux responsables de chez « Seuil ».
Le roman reste cependant agréable à lire. Sans être aussi abouti que le très bon « Disparitions », « Monstrueux » est tout de même bien au-dessus du lamentable « Out ».

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« Disparitions » de KIRINO Natsuo

Kasumi s’enfuit à l’âge de 18 ans de la maison de ses parents pour aller tenter sa chance à Tokyo où elle espère trouver une bonne raison de vivre car la vie qu’elle mène à la campagne ne lui apporte absolument rien d’excitant.

C’est dans la mégapole qu’elle rencontrera Michihiro (compositeur-maquettiste) qui deviendra son mari et avec qui elle aura deux petites filles (Risa et la somptueuse Yuka). Mais la vie qu’elle mène à Tokyo et surtout sa relation peu romantique qu’elle entretient avec son mari, va la pousser dans les bras d’un collègue de son époux : Ishiyama. Les deux amants ne savent plus comment cacher cette relation à leurs conjoints respectifs, jusqu’à ce qu’Ishiyama ait la bonne idée d’acheter une maison de campagne proche de Tokyo, au lac de Shikotsu près de Chitosé. Là, il pense que leur relation pourra s’épanouir sans crainte et attendre tranquillement qu’ils se décident à quitter leur famille et enfin pouvoir déclarer publiquement leur idylle.

Mais Ishiyama, pour fêter ce nouvel achat, décide d’inviter son collègue Michihiro, sa femme et ses deux filles pour qu’ils le rejoignent ainsi que sa femme et ses deux enfants. Même si la situation est plutôt originale et malsaine, la première soirée se passe très bien.
Au petit matin, les adultes se lèvent pour vite se rendre compte que la petite Yuka a disparu…

C’est seulement au bout de quatre années de recherches infructueuses que Kasumi rencontre enfin l’ancien inspecteur de police Utsumi qui pour raisons médicales vient de quitter son travail et décide dès lors de venir en aide à Kasumi bénévolement et compte bien reprendre l’enquête depuis le début.

Même si un grand mystère plane du début jusqu’à la fin de ce roman, l’intérêt de ce livre est plutôt la relation ambiguë qu’entretiennent la mère de l’enfant et cet ancien inspecteur de police. Leur relation ne cesse de varier entre la pitié, l ‘amitié et un semblant d’amour. Utsumi qui sait pertinemment bien qu’il ne lui reste que très peu de temps à vivre, sans le vouloir, offre à Kasumi une sorte de miroir dans lequel elle se sent obligée de se regarder et de s’interroger sur sa destinée qui selon elle serait dictée par ses deux principaux péchés : son départ de la maison familiale et sa relation adultérine.

KIRINO arrive avec brio, en nous décrivant parfaitement la psychologie des ces deux individus, à nous les rendre très attachants. A un certain moment du livre, la disparition de l’enfant devient complètement secondaire même si tout le livre est entièrement basé sur ce tragique fait divers. Les autres personnages, même si ils sont continuellement présents, ne nous importent que très peu. Ils ne servent qu’à nous montrer que les gens peuvent réagir d’une façon complètement différente devant un tel événement.

Donc, mettons définitivement le lamentable « Out » à la poubelle et gardons en tête cet excellent roman qui place KIRINO au plus haut rang des auteurs de thrillers psychologiques.


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« Out » de KIRINO Natsuo

 Kuniko, Masako, Yayoi et Yoshié (la patronne) sont quatre femmes travaillant de nuit dans une fabrique de bento (paniers-repas) (voir note sur la traduction) et ayant chacune à leur manière une vie conjugale assez pitoyable. Leur vie se déroule dans une monotonie absolue jusqu’au jour où Yayoi appelle Masako pour lui déclarer qu’elle vient de tuer son mari après une dispute violente avec celui-ci et lui demander de l’aide afin de faire disparaître le corps.

Masako sans trop y réfléchir accepte immédiatement mais se rendra vite compte qu’à elle seule, elle n’y arrivera pas et demande à son tour de l’aide à Yoshié. Peu de temps après, la quatrième du groupe les rejoindra sans trop comprendre pourquoi, et les quatre femmes se retrouveront rapidement dans une situation plus que périlleuse ne sachant trop comment réagir face aux policiers du coin et à d’autres personnes qui comprendront que ce morbide secret pourrait leur être d’une grande utilité tant au point de vue de leurs affaires criminelles que financier.

Immense succès de librairie au Japon et dans une moindre mesure en occident, ce livre est d’une banalité et d’un ennui rarement égalé; de plus la traduction est on ne peut plus médiocre. Les traducteurs (parce qu’ils sont deux en plus, un japonais et un français) ont l’air de vouloir nous faire oublier que les lieux et les protagonistes sont japonais alors que c’est peut-être le seul intérêt que l’on aurait pu tirer de ce thriller.

Par exemple, au lieu de mettre une note en bas de page pour nous expliquer qu’un « bento » est un plat à emporter dont les Japonais raffolent vu leur rythme de travail effréné, les traducteurs nous empoisonnent la lecture en remettant constamment leur traduction « panier-repas » qui finirait réellement par vous procurer une de ces indigestions alors que le récit en est parfaitement capable à lui seul.

Bref, tout n’est pas crucial dans la littérature japonaise.


Out