« Au col du mont Shiokari » de MIURA Ayako

A la fin du XIXème, le Japon commence doucement à s’ouvrir au monde extérieur et à découvrir d’autres mœurs, coutumes et religions. Une d’entre elles est le christianisme, religion qui ne plaît guère aux Japonais qui depuis toujours sont bouddhistes ou shintoïstes et voient d’un mauvais œil une religion monothéiste. .

A cette époque, le jeune NOBUO Nagano ne se préoccupe pas vraiment de cette nouvelle religion qui fait ses débuts sur l’île ; comme beaucoup de ses camarades il se moque des ces étranges « yasô » qui croient en un dieu unique et ont d’étranges rituels macabres.

NOBUO Nagano est orphelin de mère, enfin c’est ce que tout le monde lui dit, jusqu’au jour où il rencontre par hasard sa petite sœur. Il n’est donc plus possible pour sa famille de lui cacher que sa mère est bien vivante et qu’en fait elle a été répudiée, étant chrétienne, par sa belle-mère qui jamais n’aurait pu accepter que dans une famille dont les ancêtres furent d’illustres samouraïs, une chrétienne puisse souiller à jamais l’esprit des leurs aïeux.

Commence dès lors pour le jeune Nagano un long parcours vers sa propre acceptation du christianisme en tant que religion possible pour un Japonais de pure souche. C’est grâce à de longues et déterminantes discussions avec un écrivain chrétien japonais et avec son ami de toujours, qu’il finira par se rendre à l’évidence : il doit, et ce, même s’il doit se confronter à l’opprobre publique, devenir chrétien, et même plus, le plus grand des chrétiens japonais.

Ce livre est tiré d’un fait réel qui eut lieu au Japon vers le milieu du XIXème siècle et qui mit en évidence d’une façon extraordinaire la capacité que l’être humain a de se mettre en danger de mort pour le salut de ses prochains. Ce renoncement total est subtilement mis en évidence par MIURA Ayako dans ce roman où se mêlent la quête de la foi et l’immensité de l’amour qu’un être humain peut ressentir pour un autre. Tous les personnages sont remarquablement dépeints et les relations qu’entretiennent entre eux les acteurs de ce roman sont toutes aussi intéressantes les unes que les autres.

Un autre intérêt dans ce livre est la différence qu’il peut y avoir entre la vie dans une ville comme Tokyo et la vie sur une île comme Hokkaidô. NOBUO Nagano commence sa vie à Tokyo pour ensuite partir pour Sapporo, dans l’extrême nord du Japon, où il est envoyé par son patron. Là il découvrira la vie dure que les gens du nord connaissent vu le climat peu clément de ces régions montagneuses. Fini les quatre saisons qui bercent la vie habituelle des gens de Tokyo, là-bas, l’hiver dure six mois et le moral est mis à dure épreuve. Cette saison si difficile renforcera certainement le caractère déjà très endurci du nouveau chrétien qu’est devenu Nagano. Une telle conversion n’aurait sans doute pas pu être aussi complète et irréversible que sur cette île où seule l’envie ne suffit pas, mais où la volonté est primordiale.

On pense bien évidemment au grand écrivain ENDO Shusaku en lisant ce livre qui nous dépeint le christianisme vu pas les Japonais, mais la sensibilité de MIURA Ayako est toute différente et bien sûr beaucoup plus féminine. En plus d’être un livre sur le christianisme nippon, « Au col du mont Shiokari » est avant tout une très belle histoire d’amour et de courage.


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