« Les pieds nus de lumière » de MIYAZAWA Kenji

On retrouve dans le recueil « Les pieds nus de lumière » 16 contes tous plus surprenants les uns que les autres, qui nous invitent à pénétrer l’univers tout à fait unique de cet auteur assez peu connu en Occident et pourtant faisant partie de l’inconscient culturel et collectif du Japon.

Le premier conte de ce recueil « Les nuits à la belle étoile du savant Professeur Chêne » nous raconte l’histoire d’un étrange savant parti dans les forêts japonaises à la recherche de l’opale la plus parfaite jamais trouvée. C’est durant son périple qu’il découvrira que le minéral n’est pas une matière tout à fait inerte, mais est bel et bien vivant et capable de tenir un discours plus que pertinent sur bon nombre de sujets majeurs.

Dans « Griserie au vin de tulipe », un réparateur de parapluies fait la rencontre d’un simple jardinier qui, après quelques politesses échangées, lui fera découvrir les secrets d’un parfum totalement inconnu.

Dans « Chez le lynx », de loin la nouvelle la plus accessible et humoristique de ce recueil, MIYAZAMA Kenji nous décrit avec une drôlerie unique et pittoresque, l’entrée plus que laborieuse de deux hommes affamés dans un restaurant à la recherche d’une table qui pourrait les remettre d’aplomb. Le chemin y est très long pour nos deux héros, mais à force d’avancer sans réfléchir, la chute en devient inévitable.

Le dernier conte éponyme est quant à lui d’une beauté poétique des plus émouvantes. C’est l’histoire de deux jeunes frères qui, perdus dans les montagnes enneigées du Tôhoku, vont chacun à leur manière connaître l’expérience ultime de leur vie. Dans cette seule nouvelle, on découvre le talent poétique et descriptif de MIYAZAWA qui, en quelques traits de plume, nous fait passer d’un événement anodin à une expérience mystique à laquelle personne ne s’attend. « Les pieds nus de lumière » prend également une tout autre dimension, beaucoup plus intense, lorsque l’on sait que l’auteur fut traumatisé par la disparition de sa jeune sœur, sujet qu’il reprendra régulièrement dans son œuvre.

Ces contes sont un excellent aperçu de la carrière et du style littéraires de MIYAZAWA. Ils sont à la fois populaires, connus par tout le monde au Japon (enfant et adultes) et paradoxalement d’un hermétisme et d’une profondeur de pensée qui laissent plus d’un lecteur dans un état de perplexité assez étrange. Ses contes sont principalement mystiques et issus de visions que le conteur avait l’habitude d’avoir. Mais on retrouve également dans ces contes de l’humour, de l’effroi, de la tristesse ou encore de l’insolite.

L’œuvre de MIYAZAWA est à la fois très connue au Japon et en même temps très peu comprise et commentée. On peut expliquer cet étrange paradoxe par le fait que l’auteur a un réel talent de conteur, mais qu’il semble également être trop érudit et mystique que pour pouvoir devenir un auteur « à succès ». Les Japonais semblent l’honorer sans toutefois le porter aux nues. Et cet hermétisme et la particularité de sa langue (fortement inspirée de l’accent de sa région du Tôhoku) laisseront sans doute le lecteur non japonais encore plus perdu dans ce monde empli de légendes et de particularités typiquement japonaises. Reste la grande maîtrise de l’écriture et l’imagination fertile et sans limites de MIYAZAWA pour rendre ces contes très intéressants à défaut d’être totalement compréhensibles.

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