Ce n’est pas le professeur Kanai Shizuka qui nous relate directement l’histoire de son apprentissage amoureux. C’est d’abord, comme souvent, un narrateur extérieur. Ce dernier est aussi un personnage et semble très bien connaître le professeur. Il nous présente la manière dont celui-ci s’est lancé dans l’écriture de son autobiographie sexuelle.
Car le sous-titre n’est pas aussi explicite que le contenu du roman : c’est plutôt de sexe dont il s’agit ici, et non d’amour. Mais comme ces deux aspects sont toujours étroitement mêlés, voire confondus, il n’est pas illogique d’utiliser le mot « amoureux » à la place de « sexuel ».
Avant donc qu’un récit à la première personne, l’autobiographie, ne débute, on nous explique que Kanai, spécialiste de philosophie, s’intéresse à la compréhension de la sexualité, notamment à travers son expression en littérature. Seulement, il n’a jamais vécu le sexe de façon intense car il est venu au monde avec une dysfonction physique nommée frigiditas. C’est afin de mieux saisir le rôle qu’a eu le sexe dans son existence qu’il s’est pris lui-même comme sujet d’étude.
Le récit allant de sa petite enfance à son dépucelage, survenu à l’âge de 20 ans, ne se concentre donc que sur cet aspect. Il se raconte uniquement à travers ce prisme. Toutes les fois où il a entendu parler de sexe sont décrites. Au début, enfant, Kanai n’a pas conscience de ce que signifient tous ces signes sexuels qu’il peut croiser, mais c’est peu à peu qu’il réalise qu’il est un garçon frigide. Et laid au demeurant, nous précise-t-il. Ses complexes pèsent donc lourds dans ce domaine, ce qui amène toutes les petites histoires qu’il relate à toujours être frustrantes – puisqu’aucune d’entre elles n’aboutit. Les possibilités de vivre réellement sa sexualité sont réduites.
C’est sans doute cela qui l’entraîne, au lycée puis à l’université, à ériger en principe le refus de céder à la tentation sexuelle. Il fait partie d’un trio d’amis qui a décidé de ne pas s’y soumettre et qui raillent ouvertement tous ceux qui s’y adonnent.
Le roman se situe très peu dans l’action mais plutôt dans la réflexion. Les quelques rares passages qui décrivent ce qui se passe réellement sont très bons, mais la plupart du temps, le récit est constitué d’analyses et d’introspections (logique pour un chercheur, un universitaire). Son discours sur le sexe est néanmoins intéressant car il ne dissimule rien (si ce n’est l’acte lui-même) : perversité, masturbation, laideur, cruauté. Il aborde la complexité de la vie de tout être sexué dans ses multiples dimensions, sans aucune facilité, ni ficelles de narration ou encore édulcoration du réel.
Lorsque le récit à la troisième personne revient, l’effet littéraire est brillant. Le narrateur du début reprend en main les rênes de l’histoire en nous racontant ce qu’a vécu Kanai après l’achèvement de son autobiographie. Il nous conte notamment les aventures (toujours frustrantes) qu’il a vécues en Allemagne.
La morale de ce livre semble être celle-ci : on a beau raconter avec sincérité et exactitude sa vie sexuelle, cela ne veut pas dire qu’à la fin on n’en sache davantage sur le sujet. Et ça ne signifie pas non plus que la démarche ait eu la moindre utilité pour mieux vivre sa vie par la suite.
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