Le « Barococo » est un petit magasin d’antiquités situé dans la banlieue de Tokyo qui tente de survivre dans un monde de plus en plus tourné vers l’avenir. Très peu de monde passe la porte de cette boutique sans âge et pour la plupart, ils en ressortent les mains vides, ce qui n’a pas l’air d’inquiéter son propriétaire qui, lui, semble bien vivre dans le passé.
Celui qui s’occupe de la vente et de l’accueil des rares clients est le narrateur de cette histoire. Pour lui, l’avenir et le passé n’ont aucune importance, il préfère vivre au jour le jour sans se tracasser. Il observe, vivote, se lève le plus tard possible et n’a aucun intérêt pour toutes les vieilleries qui semblent tant intéresser son patron.
Ce qui l’intéresse, c’est plutôt toutes les personnes qui gravitent autour de ce magasin, vestige du passé. Il y a d’abord Mizue, une femme divorcée qui semble avoir pris les hommes en aversion et qui ne cesse de débarquer dans le magasin sans crier gare. Depuis les années qu’elle s’incruste au « Barococo », elle n’a jamais rien acheté.
Il y a ensuite les deux voisines : Yûko et sa sœur Asako. Elles vivent ensemble chez Mr YAGI, leur grand-père. La première est au collège et entretient une relation suspecte avec l’un de ses professeurs. Ensuite, il y a Asako la ténébreuse, elle, suit des cours d’art et passe la plupart de son temps dans la cour arrière du « Barococo » à construire un nombre incroyable de boites en bois, ce qui devrait constituer une œuvre d’art monumentale qu’elle espère présenter comme travail de fin d’études.
D’autres personnages viennent se greffer à ce quatuor disparate qui, sans s’en rendre compte, commence à tisser de solides liens d’amitié.
Tout le récit repose donc sur la vision humoristique et laconique du narrateur, il observe ce microcosme avec un détachement et une objectivité totale. On a l’impression qu’aucun sentiment n’est capable de s’emparer de lui ; aucune joie, aucun intérêt, tous ces gens ne sont là que pour tenter de le distraire.
NAGASHIMA Yû veut nous décrire au travers de ce roman le désabusement de la jeunesse japonaise actuelle. Le magasin d’antiquités représenterait le Japon ancestral et traditionnel qui n’intéresse plus trop la jeunesse nippone. Mais ce qu’il y a de pire, c’est qu’au travers du narrateur, ce jeune homme désabusé, l’avenir ne semble pas plus les inspirer. Jamais il ne se demande ce qu’il pourrait faire plus tard, alors que ce boulot ne représente aucun intérêt pour lui. C’est le constat navrant d’une génération perdue qui n’espère plus rien et qui n’a même plus envie de se battre ; leur seule activité serait plutôt d’observer et d’attendre, attendre pour voir ce qui risque de leur arriver, mais sans jamais se révolter ou tenter de créer quelque chose de nouveau tant la société actuelle semble immuable.
Ce roman est assez réussi tant la galerie de personnages est bien dessinée. Aucun personnage n’empiète sur l’autre, chacun a sa place dans le récit, chacun représente une pièce typique de la société japonaise. Il y a également l’humour de NAGASHIMA, un humour qui ne fait pas rire aux éclats, mais un humour tendre, réservé et très respectueux des travers humains. La fin du livre se déroule à Paris où l’on retrouve une bonne partie des protagonistes quelque peu égarés dans cet « autre monde ». Mais malheureusement, NAGASHIMA bâcle quelque peu cette fin qui aurait pu être bien plus longue tant le choc des cultures est aussi intéressant pour les Occidentaux que pour les Japonais. Mais c’est bien la seule chose que l’on pourrait reprocher à ce roman.
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