Le récit se déroule à Osaka et raconte quelques années de la vie d’un pornographe.
Avant d’ouvrir un roman portant un tel titre, il n’est pas exclu de s’attendre, comme le voudraient les idées reçues, à avoir affaire à des obsédés sexuels avides d’argent facile qui font davantage parler leur libido que leur raison. On constate bien vite que Nosaka nous a, heureusement, trompé sur ce point.
Le pornographe dont il est question ici n’agit pas seulement pour l’appât du gain. L’homme a des théories sur son métier. Il l’a rationalisé. Avec ses assistants, il se lance souvent dans de nombreuses discussions et réflexions sur le bienfondé de leur activité. Il pense ce qu’ils font comme une mission d’utilité publique. Sa définition de ce qu’est une « bonne vie » est une vie où le plaisir sexuel est pleinement assouvi. Ce qu’il offre à ses clients c’est un sens à la leur, et la satisfaction de voir et de vivre leurs fantasmes.
Il commence sa carrière en vendant des photos et en projetant des films, puis la poursuit en devenant réalisateur pour finir par organiser des orgies (auxquelles il ne participe pas). C’est donc parce qu’il se veut utile aux autres que ce pornographe est un personnage passionnant. L’argent est pourtant très présent dans les préoccupations des protagonistes, c’est l’après-guerre, tous les Japonais étaient certainement obsédés par sa quête, mais ce n’est pas le principal enjeu pour lui. Il ne fait pas dans la pornographie pour lui-même, pour son plaisir égoïste. Il vit avec deux femmes, une veuve et sa fille. La première est malade alors que la seconde est fraîche et belle. Il ressent du désir pour elle mais se sent coupable de cette attirance. Ce n’est pas un individu privé de vie sexuelle – ni de complexité.
C’est aussi un personnage très stratégique, presque machiavélique, dans la façon dont il gère son affaire. Les passages où il décrit ses divers stratagèmes de proxénète pour trouver des filles à ses clients sont assez jubilatoires. Les tournages de ses films sont aussi de grandes scènes de comédie.
La bienséance à propos du sexe est absente, le livre est si décomplexé envers le sujet que cela crée chez la personne qui le lit une sorte de « dé-culpabilisation tranquille ». C’est peut-être provocateur mais les actes qui sont tabous et condamnables chez nous sont ici décrits avec une telle évidence (l’offre de vierges aux hommes âgés) qu’ils ne provoquent même plus, aux yeux du lecteur, de scandale.
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