HONMA Michiru est une jeune fille qui, après avoir été victime d’un accident, perd l’usage de ses yeux. Depuis la mort soudaine de son père, elle vit recluse et seule dans son appartement où elle passe le plus clair de son temps allongée sur son futon à écouter le silence et de temps en temps la télévision.
Mais un jour, elle apprend qu’un meurtre vient d’être commis dans une station ferroviaire toute proche de chez elle. Un homme, MATSUNAGA Toshio, a en effet été poussé sur les rails alors qu’un train faisait son entrée en gare. L’homme meurt sur le coup.
Un jeune employé de la société pour laquelle travaillait MATSUNAGA, OISHI Akihiro, était présent au moment des faits et tout le monde connaissait son animosité envers la victime. Pour les enquêteurs, il n’y a aucun doute possible, il est le coupable.
Profitant de la cécité de la jeune et vulnérable Michiru, Akihiro, ne pouvant rentrer chez lui, se réfugie chez elle en se faufilant par la porte d’entrée de son appartement. Il n’a aucune intention de lui faire du mal, ni même de la déranger. Son seul but est de fuir la police et d’attendre une possibilité de disparaître à jamais. Il restera donc là, allongé des heures durant, proche d’une fenêtre de l’appartement de Michiru donnant sur le quai de la gare, s’obligeant à être le plus « transparent » possible afin de ne pas déranger sa nouvelle « hôtesse ». Mais petit à petit, la jeune aveugle commence à se rendre compte, par de petits détails, qu’elle n’est plus seule chez elle ; son réfrigérateur semble se vider tout seul, des objets se retrouvent à des endroits inhabituels et même si elle n’a aucune preuve tangible, elle est persuadée que le suspect de cette affaire de meurtre se trouve tapi chez elle.
Commence alors une étrange relation silencieuse et respectueuse entre ces deux individus qui n’auraient jamais dû se rencontrer. Michiru ne se sent plus seule et Akihiro commence à s’émouvoir devant les difficultés que peut rencontrer quotidiennement cette jeune fille qui, du jour au lendemain, s’est retrouvée entourée des ténèbres éternelles.
« Rendez-vous dans le noir » est ce que l’on pourrait qualifier d’un double huis clos.
Le premier est le plus simple et le plus littéraire : deux personnes se retrouvent enfermées contre leur gré dans une pièce et doivent s’en accommoder. Les habitudes de l’un impliquent que l’autre doit se conformer à certaines règles afin de rendre possible et supportable une cohabitation qu’aucun des deux n’a voulu. Le thème a déjà été traité très largement dans la littérature en général, mais cette mise en situation originale créée par OTSUICHI nous fait penser que le huis clos est une source littéraire inépuisable.
Le second huis clos est de loin le plus tragique, c’est celui de cette personne aveugle qui se retrouve enfermée à jamais dans cette cécité qui la force, malgré ses efforts, à rester cloîtrée chez elle. Elle est son propre huis clos dont elle sait qu’elle ne pourra jamais s’échapper. D’une certaine façon, elle est condamnée à rester partiellement seule avec elle-même, il n’y a plus pour elle de monde extérieur.
Même si le style d’OTSUICHI n’a rien de très particulier, on se laisse entraîné par cette histoire originale dont la trame est très bien dessinée et évolutive. Aux côtés des aspects psychologiques que peut entraîner la cécité de Michiru (et qui est très bien décrit par l’auteur), le suspense est bien présent du début jusqu’aux dernières lignes du récit. Un thriller psychologique sans effusion de sang ni violence gratuite qui prouve à nouveau que les artistes japonais n’ont pas obligatoirement recours à ces deux procédés, et qui permet par la même occasion de faire voler en éclats tous ces préjugés.