« Install » de WATAYA Risa

C’est le premier roman de cet auteur dont le second, L’appel du pied, a reçu le prix Akutagawa en 2003. Dans une interview télévisée disponible en vidéo sur Internet, le charme de cet auteur m’a particulièrement touché. Une connaissance japonaise, quand je lui ai demandé son avis sur ce jeune génie littéraire, m’a juste répliqué : « celle fille est vraiment bizarre ».

Peut-être l’est-t-elle effectivement. Difficile à dire quand on est un français non nippophone. Si on décide de la confondre avec Asako, son héroïne, alors sans doute l’est-elle, oui.

Une jeune femme de 16/17 ans décide de ne plus se rendre en cours au lycée, de vider entièrement sa chambre de tous les objets et du mobilier qui l’occupaient et d’accepter de devenir une sexy-lady virtuelle suite à l’offre que lui a faite son voisin en ce sens – son voisin de 11 ans. Cette adolescente « bizarre », elle le dit elle-même d’ailleurs, décrit dès le début les raisons qui la poussent à quitter le cours normal de la vie lycéenne : elle ne veut pas rentrer dans le rang, dans la norme, elle a peur de perdre son originalité, son identité en se fondant dans la même vie que tout un chacun. Alors elle sèche l’école comme on démissionne, pour s’accorder une pause, pour faire le vide (au sens propre comme au figuré donc).

C’est un roman d’apprentissage : une crise d’identité amène un personnage à emprunter un chemin où le côté obscur du monde va s’offrir à lui (ici, les hommes pervers qui peuplent les sites pornographiques). C’est comme une série d’obstacles qui permet au héros de régler ses problèmes afin d’avancer à nouveau, en devenant à la fois lui-même et quelqu’un d’autre. Elle le dit à la fin : elle a décidé de retourner au lycée et compte bien rencontrer des gens en chair et en os, des vrais gens de la réalité véritable. Elle a eu besoin de s’enfermer dans sa chambre pendant plusieurs semaines pour renaître, et à la fin elle se sent prête – preuve qu’elle a mûri.

La langue est celle d’une lycéenne, les réflexions aussi, mais cette vague distance que la narratrice a sur ce qu’elle vit et pense rend le livre, par petites touches, subtil et profond. Il permet assez bien de se rappeler de ses 16 ans, de renouer avec celui ou celle que l’on pouvait être alors. L’écriture cristalline allie récits et pensées, dialogues naturels et interprétations. Tout est cohérent, le lieu est presque clos, peu de ruptures interviennent, ça coule tout seul, comme on dit, et ça en exprime beaucoup sur les difficultés de vivre, à 16 ans en l’occurrence mais en général aussi, ainsi que sur la solitude de chacun (où est le père ? Où sont les amis ?). Wataya Risa est bien sûr en phase avec son époque, en se servant d’Internet pour nourrir son court et charmant récit – aussi charmant qu’elle semble l’être également.

Install sur Amazon.fr